« L’innovation est indispensable pour repenser notre relation au monde »
Intervenant à Ionis-STM en innovation dans les bioproduits et les sciences alimentaires, Jean-François Lacoste-Bourgeacq est l’auteur de l’article « Innover, c’est prendre des risques ». Publié sur les cahiers BiVi de l’Association française de normalisation (AFNOR), ce dernier aborde les processus décisionnels conduisant à l’innovation dans les organisations et propose une méthodologie « dont l’objectif est d’amener du rationnel et de la réduction de risques dans cette prise de décision ». L’occasion d’en savoir plus sur la vision de ce spécialiste de l’innovation, fondateur de la société Qiventiv Systems et lauréat du Prix « Performance et Qualité » 2009 pour son ouvrage « Innover avec succès – Maîtrise du risque innovation, un levier pour gagner ! ».
Pourquoi l’innovation est-elle vitale pour les organisations humaines, en particulier les entreprises ?
Jean-François Lacoste-Bourgeacq : L’innovation est un processus adaptatif : les organisations humaines sont en constante interaction avec l’environnement dans lequel elles évoluent. Cet environnement exerce sur elles une pression sélective et, en retour, les organisations humaines agissent sur lui de façon à créer des conditions favorables à leur développement. Afin d’assurer leur survie dans des écosystèmes très sélectifs, elles se doivent d’anticiper les changements de leur environnement pour survivre. Elles doivent reconsidérer de manière continue la manière dont elles fonctionnement et échangent dans leur écosystème. L’innovation est ce processus de remise en question continue et le résultat de ce processus. Les organisations qui ne savent pas innover de manière efficace sont amenées à disparaître. Innover, c’est pour les organisations répondre à un challenge ; celui de trouver le bon équilibre entre excellence opérationnelle et l’exploration, qui peut conduire à la transgression de schémas existants. C’est ce que certains auteurs appellent « l’ambidextrie ». La transgression, c’est une prise de risque. Les grands groupes ont souvent tendance à privilégier l’excellence opérationnelle. Ils ont dû mal à être dans la prise de risque que représente l’innovation de rupture. Ces grands groupes ont perdu la capacité à se reconfigurer rapidement en cas de besoin. De ce fait, ils regardent avec attention les innovations de rupture nées à l’extérieur. Elles sont bien souvent le fait de petites structures agiles. Il suffit de voir ce que font des sociétés comme Apple, Google et Facebook. Ils rachètent de petites sociétés qui ont su apporter de la technologie de rupture. Ils la valorisent ensuite tellement bien qu’on finit par oublier quelles sociétés ont été à l’origine de ces innovations.
Au fond, à quoi sert l’innovation ?
L’innovation est indispensable pour repenser notre relation au monde et elle doit nécessairement amener un progrès. Le mot innovation s’est progressivement substitué au mot progrès. L’Homme s’est sans doute rendu compte que la notion de progrès classique considérait l’environnement comme quantité négligeable et que cela n’avait plus de sens. L’innovation intègre trois dimensions : technico-économique, sociétale et environnementale. L’innovation doit aboutir à des avancées et l’on doit sans cesse se demander si elles ont du sens. Est-ce que proposer de nouveaux smartphones tous les 6 mois, faits avec des terres rares extraites dans des conditions d’extraction proches de l’esclavage, a-t-il du sens ? C’est d’ailleurs ce type de réflexion qui est menée dans l’ouvrage « Innover avec Succès » publié aux éditions AFNOR et que j’ai co-écrit avec Patrick Morin.
En quoi l’approche de Ionis-STM, école pionnière dans le domaine de la double compétence, vous semble innovante ?
Ionis-STM, où j’interviens depuis un certain nombre d’années, a toujours été en avance par rapport à d’autres structures en termes d’approche pédagogique. Elle permet aux étudiants de révéler un potentiel qu’ils n’avaient pas forcément pu totalement exprimer auparavant pendant leur parcours. L’école leur donne à comprendre ce qu’ils savent faire et ce qui les motive. Elle leur permet de trouver la juste chimie entre leurs compétences, notamment sociales, et un acquis académique pour développer un projet en phase avec le besoin des entreprises. Un certain nombre d’écoles se posent désormais la question.