Action Numérique Solidaire, l’initiative d’Imene Alaouchiche (Ionis-STM promo 2009)
Action Numérique Solidaire est une association créée par Imene Alaouchiche (Ionis-STM promo 2009) et son mari pendant le premier confinement. Elle collecte, répare et redistribue du matériel informatique à des familles de l’Essonne qui ne possèdent aucun équipement. Une situation impensable en 2021…
Imene Alaouchiche, une Ancienne qui s’engage
Comment Action Numérique Solidaire a-t-elle vu le jour ?
Imene Alaouchiche : Pendant le premier confinement, une enseignante a expliqué à mon mari qu’elle n’avait plus de nouvelles d’une élève car elle n’avait pas d’ordinateur. Étant tous les deux consultants en informatique, nous avons toujours un ou deux ordinateurs qui traînent à la maison. Nous en avons réparé un et donné. Puis nous avons reçu d’autres demandes. Avec l’association de parents d’élèves de Brunoy (91), École dans la Ville , nous avons ensuite organisé une première collecte. Nous avons été très surpris par le nombre de machines qui nous ont été données. Assez spontanément, d’autres volontaires ont proposé leur aide.
Combien de personnes sont impliquées autour de ce projet ?
Aujourd’hui, nous sommes une vingtaine. En fonction des métiers et des affinités des bénévoles, ils interviennent dans la collecte, la réparation et la formation. Nous intervenons auprès de familles, en particulier les collégiens et les lycéens, mais aussi les enfants du primaire et des étudiants, dans le Val d’Yerres, au Nord Est de l’Essonne, principalement à Brunoy, Yerres et Épinay-sous-Sénart. Alors que nous avons commencé par une toute petite opération pour dépanner une collégienne pendant le premier confinement, nous avons déjà reçu 400 machines et reconditionnés près de 350. Nous récupérons aussi du matériel auprès d’entreprises qui renouvellent leur parc informatique, répondant ainsi à leur politique de RSE (responsabilité sociétale des entreprises).
Pourtant la fracture et l’exclusion numériques semblent se résorber, non ?
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, tout le monde n’a pas un ordinateur chez soi. Beaucoup de familles pensent qu’un smartphone suffit pour le quotidien. Aujourd’hui, tout passe par le numérique : les demandes de bourses, les inscriptions dans les écoles et les universités, les impôts… Et quand on n’est pas équipé d’un ordinateur à la maison, c’est très compliqué de faire ses démarches. Dès le collège, les enfants ont besoin d’accéder à leur espace numérique de travail, l’ENT, qui regroupe devoirs, emploi du temps, recommandations des professeurs… L’autre élément est que beaucoup de parents pensent que l’ordinateur est un outil de jeu. Ça peut l’être, mais c’est avant tout un outil de travail.
Comment se passent vos sessions de formation ?
Nous montrons à chaque enfant comment brancher un ordinateur et de quels éléments il se compose. Nous leur présentons le logiciel d’exploitation libre Lubuntu, expliquons comment se connecter à Internet et utiliser les principaux logiciels bureautiques, eux aussi open source. Et nous leur laissons des supports de formations pour qu’ils puissent avoir une aide en permanence. Nous ne nous contentons pas de leur donner du matériel, mais nous les accompagnons sur la prise en main, afin qu’ils soient totalement autonomes, avec une machine à eux. Nous restons en contact s’ils ont besoin d’autres conseils. Quand je vois les yeux des enfants briller et certains qui me disent maintenant qu’ils veulent travailler dans l’informatique, on est heureux du travail accompli.
Comment identifiez-vous les élèves qui en ont besoin ?
Nous contactons les établissements et leurs responsables pour voir avec eux les familles qui ont en ont besoin. Nous travaillons aussi avec l’association Prévention Spécialisée Val d’Yerres Val de Seine et des éducateurs qui suivent des enfants, adolescents et étudiants qui vivent des situations compliquées. Comme cette étudiante qui allait abandonner dès sa première année car elle n’avait pas d’ordinateur. Nous sommes très heureux de pouvoir donner, en partie, les mêmes chances à ces jeunes qui ont une vie difficile.
Que vous a apporté Ionis-STM ?
J’avais rejoint l’école après un diplôme d’ingénieure en informatique. Puis j’avais travaillé comme développeur et architecte système pendant trois ans. Mais j’avais envie d’évoluer vers du management et de la gestion de projets. Ionis-STM m’offrait cette opportunité et une ouverture sur des entreprises cherchant ces profils.
Qu’est-ce que cet engagement vous a appris ?
Beaucoup sur le contact humain et social. Quand je vois les yeux des enfants briller et certains qui me disent maintenant qu’ils veulent travailler dans l’informatique, on est heureux du travail accompli. Certains parents se mettent à pleurer quand ils réalisent qu’on leur donne gratuitement la machine… Tout cela nous fait rendre compte de l’écart social qui peut exister en France. Alors que des associations comme Emmaüs Connect ou Ecodair proposent du matériel à des prix accessibles, certaines familles n’en ont pas les moyens… Surtout avec la crise sanitaire qui a aggravé les choses, nous leur offrons ainsi les mêmes chances que les autres enfants pour réussir.
Utiliser le logiciel libre est aussi un acte militant…
La question de l’obsolescence programmée des machines nous pose problème, quand on voit qu’une machine qui a 5 ans a du mal à tourner avec du Windows 10… Les systèmes d’exploitation Open Source permettent de lutter contre ce phénomène, nous avons choisi d’installer Lubuntu sur nos machines, car ce système permet, même a de très vielles machines de plus de 10 ans, de fonctionner normalement, moins gourmand en ressources qu’un Windows, ce système permet de garantir un fonctionnement (et des mises-à-jour gratuites) pendant encore quelques années. Cette obsolescence programmée nous pousse à jeter trop facilement un ordinateur alors qu’il peut être très facilement récupérable. Toutes les machines que nous avons récupérées étaient destinées à la casse… Nous avons aussi récupéré un ordinateur portable très récent dont il fallait simplement changer l’écran… Aujourd’hui, nous sommes toujours à la recherche d’ordinateurs !
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Article initialement paru dans le IONIS Mag #52